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Visite douanière domiciliaire : éléments de validité

Transport - Douane
Affaires - Pénal des affaires
27/05/2020
La validité de la visite domiciliaire, dans le cadre de l’article 64 du Code des douanes, pouvant être contestée s’agissant de la requête de la Douane ou de l’ordonnance du juge des libertés, une cour d’appel examine leurs conditions de forme et de fond : mentions, habilitations des agents, opportunités, présomption de fraude,...
Soupçonnant un opérateur d’avoir réalisé des exportations de biens à double usage (BDU) sans licence ou d’avoir détourné un refus du service des biens à double usage (SBDU) par une exportation via un autre pays, la Direction du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) a déposé une requête et obtenu du juge des libertés et de la détention une ordonnance autorisant une visite domiciliaire et la saisie de document dans le cadre de l’article 64 du Code des douanes. L’opérateur met en cause la validité de l’ordonnance en se fondant sur l’invalidité d’une part de la requête de la Douane qui lui sert de fondement et d’autre part de l’ordonnance ayant elle-même autorisé la visite. Si ses arguments sont tous rejetés, certains constituent toutefois des points que la cour d’appel de Paris accepte d’examiner.
 
Nullité de la requête de la Douane servant de fondement à l’ordonnance autorisant la visite
 
L’opérateur met en cause la validité de l’ordonnance via celle de la requête de la Douane sur laquelle ladite ordonnance se fonde.
 
D’abord, l’ordonnance peut-elle être annulée au motif que la requête présentée au juge des libertés ne comporte pas de date ? Non, répond la cour d’appel : si le dernier alinéa de l'article 58 du Code de procédure civile précise que la requête « est datée et signée », il ne prescrit pas cette formalité à peine de nullité ; la nullité de la requête pour absence de date apposée par la Douane n'est dès lors pas encourue à ce titre.
 
Ensuite, l’opérateur estime n’avoir pas pu vérifier qu'à la date de signature de la requête, la DNRED était en possession des habilitations nécessaires à la présentation de sa demande au juge des libertés et de la détention. Pour la cour d’appel, le juge étant saisi par la remise de la requête au greffe de la juridiction, la DNRED doit justifier disposer des habilitations nécessaires à la date de l'enregistrement au greffe de la requête ; or, la requête visant en pièce jointe nº 10 l'habilitation des agents des douanes, et les appelants n'établissant aucun grief, le moyen de nullité est écarté (il n’y a donc pas de nullité de forme au sens de l’article 114 du Code de procédure civile). Par ailleurs, toujours pour la cour, la mention à l'ordonnance que les habilitations ont été vérifiées par le juge induisant que la DNRED était en possession des habilitations nécessaires à la date de la requête, le moyen de nullité de cette requête est écarté (il n’y a donc pas de nullité de fond au sens de l’article 117 du Code de procédure civile).
 
Nullité de l’ordonnance d’autorisation de la visite domiciliaire

Répondant aux arguments de l’opérateur, la cour d’appel s'assure que le juge des libertés et de la détention a correctement vérifié que les conditions de la visite sont remplies.
 
Contrôles des habilitations des agents des douanes
 
L’opérateur met aussi en cause la validité de l’ordonnance s’agissant du contrôle effectif parle juge des libertés des habilitations des agents des douanes.
 
La cour d’appel se fonde sur le texte de l'article 64 : ce sont des agents « habilités à cet effet par le ministre chargé des douanes » qui peuvent procéder à des visites (al. 1) et l’ordonnance comporte le nom et la qualité du fonctionnaire habilité qui a sollicité et obtenu l'autorisation de procéder aux opérations de visite (al. 4). Pour cette cour, cela n'impose pas que les décisions d'habilitation des agents soient annexées à la requête, de sorte qu'il suffit que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention constate, par une mention qui vaut jusqu'à inscription de faux, que les habilitations lui ont été présentées. Or, en l'espèce, l'ordonnance en cause mentionne les « agents de la DNRED qui suivent (...) tous en poste à la DNRED (...), tous dûment habilités », de sorte que les mentions apposées de la vérification de l'habilitation valent jusqu'à inscription de faux. La cour ajoute que le caractère pré-imprimé de l'ordonnance n'empêche pas le juge de se livrer à un contrôle effectif du contenu de la requête dont il s'approprie les motifs.
 
Existence de la présomption de fraude
 
L'article 64 précité dispose notamment que « le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée. ». Pour la cour d’appel, il résulte de ce texte que le juge des libertés et de la détention n'est pas le juge du fond du droit et n'a pas à rechercher si les infractions sont caractérisées, mais seulement s'il existe des présomptions d'agissements frauduleux justifiant d'autoriser les opérations de visite et de saisie. Et selon la cour d’appel, ce juge apprécie « souverainement » si les éléments apportés par la Douane sont suffisants pour soupçonner un opérateur d'avoir agi frauduleusement. La cour d’appel opère toutefois un contrôle de l’appréciation du juge : elle vérifie si ce juge a relevé, en examinant in concreto la requête de la Douane et les documents ou annexes joints et effectivement transmis, une fois rappelées les dispositions textuelles (ici relatives à l'exportation des biens à double usage), et les personnes concernées, que les pièces transmises par la DNRED permettent de présumer les agissements frauduleux ; la cour d’appel entrant dans le détail des faits et pièces produites estime que c’est le cas ; elle ajoute que le juge des libertés et de la détention n'a pas à rechercher au-delà de l'apparence de la présomption de fraude résultant des éléments produits si les infractions étaient caractérisées, la visite domiciliaire ayant pour finalité la recherche des éléments établissant la commission de l'infraction.
 
Remarques
Sur ce point, la jurisprudence a déjà donné lieu à des exemples de contrôle par la cour d’appel de l’examen par le juge des libertés de la présomption de fraude.
 
Opportunité et proportionnalité de la visite domiciliaire
 
L’opérateur met en cause aussi l’opportunité de la visite et sa proportion au regard du but recherché.
 
S’agissant de l'opportunité de la visite domiciliaire, la cour d’appel retient qu’aucun texte ne subordonne la saisine de l'autorité judiciaire par la Douane au recours préalable à d'autres procédures (comme par exemple l'exercice du droit de communication de pièces techniques auprès de la société visitée), qu'il n'appartient pas au juge des libertés et de la détention de déterminer quels seraient les moyens de preuve les plus appropriés pour que la Douane puisse démontrer l'existence de la fraude présumée et que le recours à la visite domiciliaire, soumis au contrôle du juge qui autorise ou refuse sa mise en œuvre, n'apparaît pas subsidiaire. Par conséquent, la cour d’appel rejette le moyen de l’opérateur fondé sur l'inutilité de la mesure ordonnée.
 
S'agissant de l'absence de proportionnalité au but recherché, la cour d’appel indique qu’il appartient à l’opérateur d'en faire la preuve. Or, la présomption de fraude étant caractérisée par la DNRED, la visite domiciliaire ne porte pas une atteinte disproportionnée à un droit fondamental garanti par une convention internationale ou par une norme nationale au regard du but légitime poursuivi par cette règle. Autrement dit, si la présomption de fraude est caractérisée, la proportionnalité serait aussi présumée, l’opérateur pouvant rapporter la preuve contraire.
 
Remarques
Sur ces deux points, on est là dans le « droit fil » de la jurisprudence avec des formules similaires.
 
Plus d’information sur ces sujets dans Le Lamy guide des procédures douanières, n° 1010-24 et s, dans Le Lamy transport, tome 2, n° 1590 et s., et dans Le Lamy droit pénal des affaires, n° 4156 et s. La décision ici présentée est intégrée aux numéros concernés dans la version en ligne des deux premiers ouvrages sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
 
Source : Actualités du droit