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Liberté d'expression vs réputation d'un hôpital : la CEDH valide la condamnation de deux journalistes

Pénal - Droit pénal spécial
Affaires - Immatériel
07/12/2017
La condamnation pour diffamation de deux journalistes en raison d'une émission ayant critiqué le traitement du cancer dans un hôpital n'emporte pas violation de la liberté d'expression. Telle est la solution adoptée par la Cour européenne des droits de l'Homme dans un arrêt rendu le 5 décembre 2017.

L'affaire concernait deux journalistes danois employés par une chaîne de télévision nationale et leur condamnation pour diffamation à la suite de la diffusion en 2008 d'un documentaire qui critiquait le traitement du cancer dans un hôpital de Copenhague. Les juridictions danoises ont jugé que l'émission avait indéniablement donné aux téléspectateurs l'impression que l'hôpital en cause commettait une faute professionnelle. Elles ont considéré en particulier que le documentaire accusait le médecin cancérologue de l'hôpital de privilégier un traitement chimiothérapeutique utilisant un médicament à tester, et ce afin de servir sa renommée professionnelle et ses finances personnelles, insinuant qu'en conséquence certains patients étaient décédés ou avaient vécu moins longtemps.

Sur le fondement de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, et alléguant que leur condamnation était disproportionnée, les journalistes ont saisi la CEDH. Ils soutenaient en particulier que le documentaire litigieux reposait sur de vastes recherches journalistiques et avait eu des répercussions importantes, notamment une demande du public en faveur d'une thérapie et un changement de pratique à l'hôpital.

Dans son arrêt de chambre rendu le 5 décembre 2017 et énonçant la solution susvisée, la Cour conclut à la non-violation de l'article 10. Elle souscrit aux décisions des juridictions danoises, estimant qu'elles ont ménagé un juste équilibre entre le droit des journalistes à la liberté d'expression et le droit de l'hôpital et du spécialiste à la protection de leur réputation. Plus particulièrement, la Cour ne décèle aucune raison de remettre en question la conclusion des juridictions nationales selon laquelle le documentaire contenait des erreurs factuelles. Elle admet aussi que les accusations injustes, diffusées à une heure de grande écoute sur une chaîne de télévision nationale, ont eu des conséquences négatives considérables, notamment une méfiance du public vis-à-vis de la chimiothérapie effectuée à l'hôpital.

Par June Perot

Source : Actualités du droit