<< Retour aux articles
Image

Confusion des patrimoines établie : extension de la procédure collective

Affaires - Commercial
06/09/2022
Dès lors qu’un ensemble d’éléments – faisceau d’indices concordants – révèle des relations financières anormales entre la SCI bailleresse et la SARL locataire commerciale, avec enrichissement sans aucune contrepartie de la SCI au détriment de la locataire en liquidation, la confusion des patrimoines entre les deux sociétés est caractérisée : la procédure d’extension de la liquidation judiciaire à la SCI est prononcée à juste titre.
Le prononcé de l’extension d’une procédure collective est une mesure réservée à deux cas précis : aux termes de l’article L. 621-2, alinéa 2, du code de commerce, "à la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale", ces dispositions étant applicables à la procédure de liquidation judiciaire (C. com., art. L. 641-1). L’existence de l’une de ces conditions suffit pour justifier l’extension de procédure.
 
Ainsi que le précise la cour d’appel dans le présent arrêt, la confusion de patrimoines "est caractérisée notamment en présence de relations financières anormales, c'est-à-dire de flux ou d'absence de flux entre des structures, en l'absence de contrepartie justifiée, ou en cas d'appauvrissement soit de la structure déclarée en procédure collective par le transfert de ses actifs au profit d'autres structures, soit même en cas d'appauvrissement de la structure in bonis au profit de celle déjà en procédure collective".
 
La cour conclut ici à une confusion de patrimoines résultant d’une relation financière anormale entre les deux sociétés impliquées : une société commerciale et une SCI… cas de figure auquel la jurisprudence est souvent confrontée en pratique.
 
Anormalité des flux financiers
 
Une SARL de travaux de terrassement X…, dirigée par M. Z… détenant 50 % des parts sociales, avait été mise en redressement judiciaire par jugement du 24 janvier 2017, puis en liquidation le 13 juin suivant, la date de cessation des paiements étant fixée au 11 juin 2016. Le 8 juin 2021, le tribunal de commerce avait constaté la confusion de patrimoines entre cette société et la SCI Y… – gérée par le père du gérant de la société X… – et prononcé l’extension de la procédure de liquidation judiciaire à ladite SCI. Cette dernière avait interjeté appel du jugement, faisant valoir que la réalité des flux financiers et leur éventuelle anormalité devait être éclairée par la lecture de son compte client dans les livres de la SARL X…
 
Dans les faits, la SCI Y… avait consenti à la SARL X…, le 29 novembre 2007, un bail commercial portant sur un local aménagé et un terrain pour une durée de neuf ans, moyennant un loyer annuel fixé à 31 920 euros HT. Les pièces produites par le liquidateur mettaient en évidence que la SCI Y… avait bénéficié de versements de sa locataire largement supérieurs au montant des loyers convenus dans ce bail (trop-perçu d’un montant de 220 887,06 euros sur la période 2011-2015).
 
De plus, la société X… avait dépensé en 2012 la somme de 150 799,01 euros au profit de la SCI Y…, en règlement de factures au nom de celle-ci pour acheter divers produits et matériaux de construction pour l'aménagement des locaux, dont la SCI était propriétaire, ce qui en aucun cas n'incombait à la locataire.
 
Enfin, l'examen des balances client de la société X… montrait d'importantes avances de fonds effectuées de façon inexpliquée et sans contrepartie au profit de la SCI Y…

Caractérisation de la confusion des patrimoines

Un faisceau d'indices concordants suffit à caractériser l'existence de relations financières anormales constitutives d'une confusion de patrimoines, précisent les juges du fond : la seule existence de relations financières anormales, définies comme des relations financières incompatibles avec des obligations contractuelles réciproques normales, est suffisante à caractériser la confusion des patrimoines. Il n'est pas nécessaire de démontrer un déséquilibre significatif des flux entre les patrimoines des deux entités par un enrichissement de l'une et un appauvrissement de l'autre.
 
En l’espèce, il résulte notamment des documents comptables de la société débitrice, des relevés bancaires et du contrat de bail que la SCI Y… a bénéficié d'avances financières pour 296 558,14 euros, de la prise en charge des coûts d'amélioration de ses immeubles pour 150 799,01 euros ainsi que du règlement de loyers commerciaux indus pour 220 887,06 euros.
 
Pour la cour d’appel, l'ensemble de ces éléments caractérise des relations financières anormales et, consécutivement, un enrichissement anormal de la SCI Y…, sans aucune contrepartie, au détriment de la société X… pourtant en difficulté dès 2012.
 
C’est donc à juste titre que le tribunal a considéré que la preuve de relations financières anormales importantes et graves caractérisant la confusion des patrimoines était rapportée et a prononcé l'extension de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL X… à la SCI Y… : le jugement est confirmé.
Source : Actualités du droit