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Résiliation du bail pour non-paiement des loyers postérieurs au jugement de liquidation judiciaire du preneur

Affaires - Commercial
03/12/2021
Le juge-commissaire étant saisi d’une demande de constat de résiliation de plein droit d’un bail commercial en raison du défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de redressement judiciaire – converti en liquidation judiciaire – du preneur, cette procédure, qui obéit à des conditions spécifiques, est distincte de celle tendant à faire constater l’acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail ; en l’espèce, il n’y avait donc pas lieu à délivrance d’un commandement de payer visant cette clause.
En application de l’article L. 641-12, 3°, du code de commerce, "le bailleur peut demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail des immeubles utilisés pour l'activité de l'entreprise pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, dans les conditions prévues aux troisième à cinquième alinéas de l'article L. 622-14" du même code.
 
Par ailleurs, selon l’article R. 641-21, alinéa 2, du code de commerce, "le juge-commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats dans les cas prévus à l'article L. 641-12, ainsi que la date de cette résiliation".
 
C’est au visa de ces dispositions que se prononce la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans la présente affaire, reprenant le principe déjà posé par la chambre commerciale (cf. Cass. com., 9 oct. 2019, n° 18-17.563).
 
Ainsi que l’exposait la cour d’appel, désavouée en l’espèce, la question posée était de savoir si le commandement de payer prévu à l’article L. 145-41 du code de commerce, inséré dans le livre II de ce code consacré aux société commerciales, s'appliquait aussi à la constatation de la résiliation du bail telle que prévue aux articles L. 641-12 et L. 622-14 insérés dans le livre VI traitant des difficultés des entreprises.
 
Loyers antérieurs… et postérieurs à la procédure collective
 
Par acte du 9 novembre 2011, les époux X… avaient donné à bail à la SARL Y… un local pour y exercer une activité de boulangerie-pâtisserie. Cette société ayant fait l'objet d'un redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire par jugement du 6 septembre 2016, les bailleurs avaient déclaré leur créance au titre des loyers antérieurs et taxes foncières à hauteur de 11 576,20 euros.
 
Les loyers n'étant plus payés, les époux X… avaient déposé, le 20 décembre 2016, une requête devant le juge commissaire en constatation de la résiliation du bail commercial sur le fondement des articles L. 641-12 et L. 622-14 du code de commerce pour défaut de paiement des loyers postérieurs au prononcé de la liquidation judiciaire. Les bailleurs avaient ensuite délivré au liquidateur judiciaire de la société Y… un commandement de payer lesdits loyers puis l’avaient assigné, le 12 mai 2017, en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire devant le juge des référés ; ce dernier avait accordé un délai de paiement de quatre mois et avait suspendu les effets de la clause résolutoire, la suspension étant motivée par une promesse d'achat du fonds de commerce en date du 11 mai 2017 pour le prix de 61 000 euros.
 
Le 12 janvier 2018, le tribunal de commerce avait constaté la résiliation de plein droit du bail à la date du 20 décembre 2016, date du dépôt de la requête. Se prévalant des dispositions de l’article L. 145-41 du code de commerce, le liquidateur avait fait appel du jugement, reprochant aux bailleurs de ne pas avoir, préalablement à leur démarche auprès du juge commissaire, fait délivrer un commandement de payer.
 
Infirmant la décision des premiers juges, la cour d’appel a déclaré irrecevable la demande des bailleurs tendant à voir constater le jeu de la clause résolutoire en application des articles L. 641-12 et L. 622-14 du code de commerce : dès lors que le bail litigieux contenait bien une clause résolutoire, il appartenait à ces derniers, préalablement à la mise en œuvre des articles précités, de faire délivrer au liquidateur un commandement de payer, formalité qu’ils n’ont pas respectée (CA Poitiers, 2e ch. civ., 14 mai 2019, n° 18/00452, Lamyline). Les bailleurs se sont alors pourvus en cassation.
 
Condition non prévue par la loi

La Haute juridiction rappelle la règle applicable : lorsque le juge-commissaire est saisi sur le fondement de l’article L. 641-12, 3°, du code de commerce "d’une demande de constat de la résiliation de plein droit du bail d’un immeuble utilisé pour l’activité de l’entreprise, en raison d’un défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de redressement judiciaire du preneur, cette procédure, qui obéit à des conditions spécifiques, est distincte de celle qui tend, en application de l’article L. 145-41 du code de commerce, à faire constater l’acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail".
 
Les époux X…, qui agissaient devant le juge-commissaire pour demander la constatation de la résiliation du bail sur le fondement de l’article L. 641-12, 3°, précité sans revendiquer le bénéfice de la clause résolutoire, n'étaient pas dans l'obligation de délivrer le commandement exigé par l'article L. 145-41 dudit code ; aussi, en déclarant les bailleurs irrecevables en leur demande pour ne pas avoir fait délivrer au liquidateur un commandement de payer visant la clause résolutoire, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé les articles L. 641-12, 3°, et R. 641-21, alinéa 2, du code de commerce.
 
D’où cassation en toutes ses dispositions de l’arrêt contesté et renvoi des parties devant la cour d’appel.
 
Pour aller plus loin
Pour des développements complémentaires sur la résiliation du contrat de bail en cas de liquidation judiciaire du preneur, se reporter au n° 3420 de l’édition 2021 du Lamy droit commercial.
Source : Actualités du droit