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La semaine du droit des entreprises en difficulté

Affaires - Commercial
22/02/2021
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit des entreprises en difficulté, la semaine du 15 février 2021.
Procédure collective – warrants agricoles – admission à titre chirographaire
« Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 juin 2019), la société Fadier élevage (la société débitrice) a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde au passif de laquelle ont été admises des créances déclarées par les sociétés Cooperl Arc Atlantique et Arco. L'admission des créances de cette dernière société a été prononcée, pour partie, à titre privilégié, sur le fondement de deux warrants agricoles établis les 20 octobre 2005 et 18 octobre 2006. Le plan de sauvegarde arrêté le 1er décembre 2008 au profit de la société débitrice ayant été résolu par un jugement du 2 mars 2015, qui a également prononcé la liquidation judiciaire, la société Cooperl Arc Atlantique, qui avait absorbé entre-temps la société Arco, a indiqué au liquidateur qu'il subsistait un solde sur la créance de celle-ci et a demandé son admission à titre privilégié dans la nouvelle procédure. Faisant valoir que l'inscription des warrants n'avait pas été renouvelée, le liquidateur s'y est opposé et, par une ordonnance du 8 juillet 2016, le juge-commissaire a prononcé une admission à titre seulement chirographaire.
 
Si c'est à tort que la cour d'appel a opposé à la société Cooperl Arc Atlantique son absence de réponse, dans le délai de trente jours prévu par l'article L. 622-27 du Code de commerce, à la contestation par le liquidateur du caractère privilégié de sa créance, dès lors que celle-ci, admise au passif de la procédure de sauvegarde, devait, en l'absence de toute modification, être admise de plein droit au passif de la liquidation judiciaire sous la seule déduction des sommes déjà perçues, cette créance n'étant pas soumise à une nouvelle vérification ni, par conséquent, à la sanction de l'article L. 622-27 précité, l'arrêt n'encourt pas, pour autant, la censure.
En effet, si l'admission de la même créance à la procédure de sauvegarde permettait au créancier, en application de l'article L. 626-27 du Code de commerce, de ne pas la déclarer à nouveau à la procédure de liquidation ouverte après résolution d'un plan ainsi que les warrants qui la garantissaient, elle ne le dispensait pas, conformément à l'article L. 342-7, alinéa 3, du Code rural et de la pêche maritime, de renouveler l'inscription de ces derniers après l'expiration du délai de cinq ans fixé par ce texte et jusqu'au paiement ou à la consignation du prix des choses warrantées.
L’autorité de la chose jugée attachée à l’admission à titre privilégié n’a pas d’effet conservatoire pour l’avenir des sûretés qui ne sont pas renouvelées, et cet effet ne résulte pas davantage de l'existence d'un plan de sauvegarde ou de la faculté offerte par l'article L. 626-27 précité au créancier, en cas de résolution de celui-ci et d'ouverture consécutive d'une nouvelle procédure collective, de ne pas y déclarer à nouveau ses sûretés, ce texte ne dérogeant nullement à l'obligation de procéder, le cas échéant, à leur renouvellement.
Le liquidateur et la société débitrice, dont la discussion ne portait que sur le caractère privilégié de la créance, ayant fait valoir expressément, dans leurs conclusions d'appel, qu'il n'était « pas contesté que les warrants [...] n'avaient pas fait l'objet, avant leur expiration, d'un renouvellement » et qu'il était « constant que, lors de la résolution du plan de sauvegarde et au moment de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, le 2 mars 2015, la coopérative Cooperl avait perdu le bénéfice de sa sûreté », la société Cooperl Arc Atlantique n'a pas, en réplique à ces conclusions, prétendu qu'elle aurait procédé au renouvellement de l'inscription des warrants.
En conséquence, le moyen, en ce qu'il tend à contester la proposition d'admission à titre chirographaire du liquidateur, est inopérant ».
Cass. com., 17 févr. 2021, n° 19-20.738, P+L *
 
 
Tierce-opposition – forme
« Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 4 septembre 2018), la société Hôtel Le Chamois d'Or ayant été mise en redressement judiciaire le 18 décembre 2013, puis cette procédure ayant été étendue à M. X, le 18 mars 2015, et M. Y désigné mandataire judiciaire, le tribunal de commerce d'Annecy a, par un jugement du 6 octobre 2016, arrêté un plan de redressement d'une durée de dix ans. M. Z, dont la créance était incluse dans le plan, a formé tierce-opposition à ce jugement par une lettre recommandée de son conseil adressée au greffe.
 
En premier lieu, l'arrêt retient exactement que la lettre recommandée avec demande d'avis de réception ne peut être assimilée à la déclaration au greffe qu'exige l'article R. 661-2 du Code de commerce et en déduit à bon droit que M. Z n'a pas respecté la forme requise puisqu'il a adressé au tribunal une déclaration par lettre sans que personne ne se soit présenté au greffe pour faire la déclaration.
En deuxième lieu, la tierce-opposition faite autrement que par déclaration au greffe étant irrecevable comme ne répondant pas au mode de saisine prescrit par la loi, et celui qui invoque l'irrecevabilité n'ayant pas, en conséquence, à justifier d'un grief, l'arrêt n'encourt pas la critique de la troisième branche.
En dernier lieu, la réglementation relative aux formalités à observer pour former un recours vise à assurer la bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique, les intéressés devant s'attendre à ce que ces règles soient appliquées. Toutefois, une réglementation, ou l'application qui en est faite, ne doit pas empêcher le justiciable de se prévaloir d'une voie de recours disponible, et si le droit d'exercer un recours est soumis à des conditions légales, les tribunaux doivent, en appliquant des règles de procédure, éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l'équité de la procédure, et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de procédure établies par les lois.
En l'espèce, après avoir relevé que les modalités formelles de la tierce-opposition, aussi strictes soient-elles, n'ont pas pour effet de priver les créanciers de l'exercice de ce recours, ceux-ci ayant toute latitude, en cas d'impossibilité pour eux de se déplacer au greffe, de mandater un avocat pour ce faire, et constaté que la déclaration par lettre recommandée avait été adressée au greffe par le conseil de M. Z, l'arrêt retient que l'exigence d'une présentation au greffe n'avait pas restreint l'accès ouvert à ce créancier d'une manière ou à un point tels que son droit d'accès à un tribunal s'en était trouvé atteint dans sa substance même, que cette exigence tendait à un but légitime, à savoir le traitement rapide des affaires compte tenu des enjeux économiques pour le débiteur, ses créanciers, mais aussi ses salariés, et qu'il existait un rapport raisonnable de proportionnalité entre l'exigence d'un déplacement pour faire la déclaration, assurant une fiabilité maximale sans pour autant induire des coûts importants pour les contestants, et le but visé. Par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas fait preuve d'un formalisme excessif, n'a pas méconnu les exigences du procès équitable ».
Cass. com., 17 févr. 2021, n° 19-16.470 P+L *
 

Droit de rétention – remboursement
« Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 20 novembre 2018), se prévalant d'une créance de restitution d'un acompte versé, le 20 juin 2014, sur le prix d'un contrat d'entreprise conclu avec la société de services de distribution et de fabrication (la société SDF), placée en sauvegarde puis liquidation judiciaire sans avoir exécuté ses obligations, la société Centrale solaire des terres rouges (la société Centrale solaire), dont cette créance a été admise au passif de la société SDF, a exercé un droit de rétention sur une foreuse hydraulique apportée sur le chantier par la société SDF, crédit-preneur de ce matériel appartenant à la société Natixis Lease, laquelle a assigné la société Centrale solaire en restitution.
 
Après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, que la société Centrale solaire exerçait son droit de rétention sur la foreuse hydraulique pour garantir le remboursement de l'acompte versé à la société SDF en contrepartie de la réalisation de travaux non exécutés, cette créance étant certaine, liquide et exigible, et retenu que la foreuse avait été placée sur le terrain de la société Centrale solaire par la société SDF en vue de la réalisation du chantier inexécuté puis abandonnée sur les lieux après la résiliation du contrat, la cour d'appel, qui a fait ainsi ressortir que la créance impayée dont se prévalait la société Centrale solaire résultait du contrat qui l'obligeait à restituer la foreuse à son cocontractant, en a exactement déduit qu'elle était fondée à opposer son droit de rétention à la société Natixis Lease, propriétaire de cette chose. Le moyen n'est donc pas fondé ».
Cass. com., 17 févr. 2021, n° 19-11.132, P *
 

Insuffisance d’actif, faillite personnelle ou interdiction de gérer – exécution provisoire
« Vu les articles R. 661-1 et R. 662-1, 1° du Code de commerce et les articles 462 et 525-2 du Code de procédure civile, ce dernier alors applicable :
Le premier de ces textes n'ouvrant pas, par une disposition spéciale, la voie du recours en cassation contre la décision d'un premier président de cour d'appel saisi d'une demande tendant à arrêter l'exécution provisoire facultative d'un jugement rendu en matière de responsabilité pour insuffisance d'actif et de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer, il y a lieu, conformément au second, d'appliquer l'article 525-2 du Code de procédure civile, selon lequel les décisions arrêtant ou refusant d'arrêter l'exécution provisoire ne peuvent, en droit commun, faire l'objet d'un pourvoi.
Il en est, par conséquent, de même de celles qui rectifieraient une erreur matérielle affectant de telles décisions. Il n'est fait exception à l'interdiction du recours en cassation qu'en cas d'excès de pouvoir.
Selon les ordonnances attaquées (premier président de la cour d'appel de Paris, 20 décembre 2018 et 4 avril 2019), un jugement du 13 février 2018 a condamné M. X à supporter, solidairement avec la société Stalis holding, une partie de l'insuffisance d'actif de la société Assor France, en liquidation judiciaire, et a prononcé contre lui une mesure d'interdiction de gérer. Ayant interjeté appel de ce jugement, M. X et la société Saltis holding ont demandé que l'exécution provisoire dont il était assorti soit arrêtée. Par la première ordonnance attaquée, le premier président a rejeté cette demande et par la seconde, il a rectifié sa précédente ordonnance, en ajoutant que M. Y devait y être mentionné en qualité de curateur de la société Stalis holding, elle-même en liquidation au Luxembourg, et d'intervenant volontaire.
M. X et M. Y, ès qualités, qui se sont pourvus en cassation contre les deux ordonnances, n'invoquant aucun excès de pouvoir, leurs pourvois ne sont recevables ni contre l'ordonnance rectifiée ni contre l'ordonnance rectificative ».
Cass. com., 17 févr. 2021, n° 19-12.417 et n° 19-16.580, P *
 
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 22 mars 2021.
 
Source : Actualités du droit