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Un protocole de cessions de parts laissé lettre morte pendant des années est-il caduc ?

Civil - Contrat
01/02/2021
Dès lors qu’il y a eu accord sur la chose et sur le prix et que les conditions suspensives ont été levées, un protocole d’accord de cessions de parts peut être exécuté des années plus tard, après terme, sauf si ce terme fixé pour la régularisation de ces cessions est sanctionné par sa caducité.
Quatre associés ont constitué à parts égales une société civile immobilière (la SCI) et une société civile de moyen (la SCM). En 2005, un protocole est signé entre les associés stipulant la cession de la totalité des parts de SCI et de SCM de l’un d’entre eux aux trois autres, sous conditions suspensives (l’obtention pour les acquéreurs d’un prêt et la possibilité de signer un bail professionnel, au plus le 15 janvier 2006), à un prix convenu entre eux. Le transfert de propriété et de jouissance devait intervenir au plus tard le 31 janvier 2006, les acquéreurs devant alors s’acquitter du prix. Puis il n’est plus question de cette cession. Le 21 août 2013, les acquéreurs, la SCI et la SCM, assignent le cédant en exécution de ce protocole. Le protocole est déclaré caduc par les juges de première et deuxième instances.
 
Pourvoi. – Les trois associés se pourvoient en cassation. Selon eux, la cour d’appel a violé les articles 1583 et 1589 du Code civil et les articles 1134 et 1179 du même code, dans leur rédaction applicable au litige.
 
Le protocole prévoyait, s’agissant des parts de la SCI, que le « vendeur s’engage irrévocablement à céder aux acquéreurs qui acceptent irrévocablement », sous réserve de conditions suspensives, « avec transfert de propriété et de jouissance ... au plus tard le 31 janvier 2006 » ses parts. Il stipulait que si les conditions suspensives étaient levées, les engagements étaient « fermes et définitifs ». Concernant la cession des parts de la SCM, l’acte prévoyait également un « transfert de propriété et de jouissance des titres au plus tard le 31 janvier 2006 ». Enfin, le protocole prévoyait que les cessions convenues étaient indivisibles, que la clause relative à l’obtention d’un prêt était de l’intérêt exclusif des acquéreurs et que la convention prévoyait expressément la faculté pour eux de renoncer à son bénéfice.
 
Dans leur pourvoi, les associés affirment qu’ils s'étaient engagés irrévocablement à acheter au prix fixé les parts du cédant qui, lui-même, s'engageait irrévocablement à les leur vendre et que les conditions suspensives stipulées avaient été levées dans les délais impartis par le protocole, ce qui rendaient les engagements fermes et définitifs.
 
Réponse de la Cour de cassation. – L’arrêt est cassé au visa de l'article 1583 du Code civil selon lequel la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ».
 
« Pour déclarer caduc le protocole conclu en 2005 entre les associés, l'arrêt retient que le transfert de propriété et de jouissance des parts sociales n'est pas intervenu avant la date fixée par les signataires du protocole, que les acquéreurs n'ont pas informé la cédante qu'ils étaient en mesure de payer le prix et qu'ils n'ont pas, pendant de nombreuses années, demandé à celle-ci de l'exécuter. En statuant ainsi, après avoir retenu que le protocole constatait l'accord des parties sur la chose et sur le prix et que les conditions suspensives avaient été levées, et alors que les parties n'avaient pas prévu que le terme fixé pour la régularisation des cessions par les acquéreurs serait sanctionné par la caducité du protocole, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».
 
Remarque. – Le protocole d’accord est un acte complexe qu’il convient de confier à des spécialistes, avocats, voire notaires. Cette décision constitue une illustration intéressante de l’importance de prévoir précisément les conditions de réalisation d’un tel protocole. La caducité de la promesse synallagmatique de vente en cas de non-respect du terme fixé pour la régularisation des cessions convenues peut en faire partie et de mauvaises surprises ainsi évitées si l'"affaire" traîne.
 
Pour aller plus loin, v. Le Lamy droit du contrat, nos 266 et 405.
Source : Actualités du droit