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La semaine du droit des contrats

Civil - Contrat
05/10/2020
Présentation des dispositifs des derniers arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit des contrats.
Promesse de vente – conditions suspensives – action personnelle ou mobilière
« Selon l’arrêt attaqué (Saint-Denis, 15 février 2019), la société civile immobilière Nefertari (la SCI Nefertari) a consenti à la société immobilière du département de la Réunion (la SIDR) une promesse synallagmatique de vente, sous conditions suspensives, d’une parcelle de terrain sur laquelle était édifié un immeuble non achevé.
Un avenant a prorogé la date de réalisation des conditions suspensives et de signature de l’acte authentique de vente au 30 avril 2010.
Après deux mises en demeure de réaliser la vente, les 22 novembre 2013 et 12 mai 2015, demeurées infructueuses, la SCI Nefertari a assigné la SIDR en résolution de la vente qu’elle considérait parfaite en raison de la réalisation des conditions suspensives et en paiement de dommages-intérêts.
La SIDR lui a opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de son action.
 
Vu l’article 2224 du Code civil :
Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
En matière de promesse de vente, sauf stipulation contraire, l’expiration du délai fixé pour la réitération de la vente par acte authentique ouvre le droit, pour chacune des parties, soit d’agir en exécution forcée de la vente, soit d’en demander la résolution et l’indemnisation de son préjudice.
Le fait justifiant l’exercice de cette action ne peut consister que dans la connaissance, par la partie titulaire de ce droit, du refus de son cocontractant d’exécuter son obligation principale de signer l’acte authentique de vente.
Pour déclarer l’action prescrite, l’arrêt retient que, dès le 1er mai 2010, lendemain de la date fixée pour la signature de l’acte authentique de vente, la SCI Nefertari savait que la promesse n’avait pas été réitérée et qu’elle pouvait exercer son action.
En se déterminant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la connaissance à cette date, par la SCI Nefertari, du refus de la SIDR de réaliser la vente, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
Cass. 3e civ., 1er oct. 2020, n° 19-16.561, P+B+I *
 

Contrat de vente – garantie des vices cachés – prescription  
« Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 avril 2019), les 18 décembre 1970 et 16 mai 1972, C... et D... Z... ont acquis deux bungalows qu’ils ont réunis en un seul immeuble.
Le 29 mai 1990, D... Z... et Mme W..., sa fille, ont vendu ce bien à Mme Y... et à M. V..., aux droits duquel se trouve M. U..., lesquels, le 21 mai 2010, l’ont revendu à Mme X....
Ayant découvert, à la suite d’une expertise amiable du 22 juillet 2011, l’existence de désordres affectant la solidité du bâtiment, Mme X... a, au vu d’un rapport d’expertise judiciaire déposé le 11 juin 2013, assigné, les 7 et 12 novembre et 4 décembre 2013, les vendeurs successifs en garantie des vices cachés.
 
L’article 2232 du Code civil, issu de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, dispose, en son premier alinéa, que le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.
Il résulte de son rapprochement avec l’article 2224 du même Code, selon lequel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, que le législateur a, dans un souci de sécurité juridique, en contrepartie d’un point de départ « glissant » pour l’exercice de l’action, enserré l’exercice du droit dans un délai fixé à vingt ans.
Ayant relevé que le point de départ de l’action en garantie des vices cachés exercée par Mme X..., dernier acquéreur, contre les vendeurs d’origine avait été reporté au jour où celle-ci avait eu connaissance du vice dans toute son ampleur, la cour d’appel a exactement retenu que le jour de la naissance du droit, au sens de l’article 2232 du Code civil, devait être fixé au jour du contrat, qui consacrait l’obligation à la garantie des vices cachés du vendeur.
 
Vu l’article 26 de la loi du 17 juin 2008, les articles 2 et 2232 du Code civil :
Les dispositions transitoires qui figurent dans le premier de ces textes concernent les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui allongent ou réduisent la durée de la prescription.
Il résulte des deuxième et troisième textes qu’en l’absence de dispositions transitoires qui lui soient applicables, le délai butoir, créé par la loi du 17 juin 2008, relève, pour son application dans le temps, du principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle.
Pour déclarer prescrite l’action en garantie des vices cachés exercée par Mme X... contre les vendeurs d’origine, l’arrêt retient, en application de l’article 2232 du Code civil, qu’elle a été engagée plus de vingt ans après la signature du contrat de vente ayant donné naissance au droit à garantie de Mme X....
En statuant ainsi, alors que le délai butoir de l’article 2232, alinéa 1er, du Code civil n’est pas applicable à une situation où le droit est né avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Cass. 3e civ., 1er oct.. 2020, n° 19-16.986, P+B+I *
 
 
Vente – locataire – offre de vente – nullité – bonne foi
« Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 avril 2019), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 12 avril 2018, pourvoi n° 17-11.015), la société Foncière Résiouest, propriétaire d'un immeuble, a demandé à la société Cogedim vente de procéder à sa vente par lots.
La société Cogedim vente a notifié à M. X et à son épouse, locataires d'un appartement et de divers locaux dans cet immeuble, conformément aux dispositions de l'article 10-I de la loi du 31 décembre 1975, une offre de vente qu'ils n'ont pas acceptée.
M. et Mme X ont assigné la société Foncière Résiouest, la société Cogedim vente et la société Edelweiss marine, acquéreur des locaux loués, en nullité des offres de vente qui leur ont été adressées, ainsi que de la vente consentie ultérieurement, et en réparation de leur préjudice.
La société Foncière Résiouest a sollicité la restitution des loyers versés par les locataires à la société Edelweiss marine depuis le 1er juillet 2005.
 
Aux termes de l’article 549 du Code civil, le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. Dans le cas contraire, il est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique.
Selon l’article 550 du Code civil, le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices. Il cesse d'être de bonne foi du moment où ces vices lui sont connus.
Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation (3e Civ., 27 novembre 2002, pourvoi n° 01-12.444, Bull. 2002, III, n° 244 ), à compter de la demande en justice tendant à la résolution ou à l’annulation de la vente, le possesseur ne peut invoquer la bonne foi.
Il importe peu à cet égard que la demande en résolution ou en annulation émane d’un tiers au contrat de vente.
La cour d’appel a constaté que M. et Mme X avaient demandé en justice l’annulation de la vente par assignation délivrée les 15 et 21 mars 2007.
Elle a relevé que la nullité de la vente avait été prononcée le 21 octobre 2016.
Elle a pu en déduire que la société Edelweiss marine ne pouvait opposer sa bonne foi à la société Foncière Résiouest à compter de la demande en annulation de la vente et que celle-ci était fondée à lui réclamer la restitution des loyers versés par les locataires entre le 1er avril 2007 et le 28 octobre 2016 ».

Cass. 3e civ., 1er oct. 2020, n° 19-20.737 P+B+I
 
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 5 novembre 2020.
 
Source : Actualités du droit