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La semaine du droit des entreprises en difficulté

Affaires - Commercial
02/03/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit des entreprises en difficulté, la semaine du 24 février 2020.
Liquidation judiciaire – interruption des instances en cours – déclaration de créance
« Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 20 novembre 2018), M. X est propriétaire de deux appartements situés sous une toiture-terrasse. Se plaignant d'infiltrations, il a assigné le syndicat des copropriétaires en paiement de dommages-intérêts.
Le syndicat des copropriétaires a appelé en garantie son assureur, la société Ace european group limited, aux droits de laquelle se trouve la société Chubb european group limited, ainsi que la société Alpes étanchéité isolation qui a été placée en liquidation judiciaire en cours d'instance.
 
Vu les articles L. 621-21, L. 622-22 et L. 641-3 du Code de commerce :
Il résulte de ces textes que, dès l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance et qu'elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation de créances et à la fixation de leur montant.
Après avoir retenu qu'en raison de la liquidation judiciaire dont la société Alpes étanchéité isolation fait l'objet, aucune condamnation ne peut intervenir à son encontre, l'arrêt déclare la demande irrecevable.
En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».
Cass. 1re civ., 27 févr. 2020, n° 19-10.887, P+B+I *
 
Liquidation judiciaire – vente d’un ensemble immobilier – notification
« Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 juin 2018), que la société In House France, a été mise en liquidation judiciaire le 15 décembre 2010, M. X étant désigné liquidateur; que le juge commissaire a, par ordonnance du 13 septembre 2017, autorisé le mandataire liquidateur à procéder à la vente d'un ensemble immobilier dont la société In House France était propriétaire ; que M. Y, créancier hypothécaire a, par déclaration du 13 novembre 2017, formé un recours contre cette ordonnance ;
 
D'une part, aucun domicile n'étant élu dans le cadre de la procédure collective, le domicile élu auquel doit avoir lieu la notification prévue par l'article R. 642-23 du Code de commerce ne peut être que celui élu par le créancier inscrit dans l'inscription elle-même ; que la cour d'appel, qui relève que les hypothèques judiciaires inscrites au bénéfice de M. Y et de la société dont il est le gérant sur l'immeuble de la société In House France mentionnaient comme domicile élu la société Z, en a exactement déduit que l'ordonnance ayant autorisé la vente de cet immeuble devait être notifiée à M. Y à l' adresse de cette société ;
Et d'autre part, l'arrêt, sans se fonder sur le seul extrait de la liste des avis de recommandés reçus par le greffe, relève non seulement que « M. X, ès qualités, justifie que l'ordonnance a été notifiée à M. Z, AR reçu le 25 septembre 2017 », mais aussi que M. Y n'avait pas contesté la date de réception de la notification par la société Z ;
Que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ».
Cass. com., 26 févr. 2020, n° 18-21.575, P+B *
 
Plan de sauvegarde – résolution – cessation des paiements
« Selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Amarante a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde le 17 avril 2012, la société Actis étant désignée mandataire judiciaire et la société Thévenot Partners administrateur judiciaire ; qu'un plan de sauvegarde a été arrêté le 16 juillet 2013, la société Thévenot Partners devenant commissaire à l'exécution du plan ; que la société Aareal Bank AG (la société Aareal Bank) a déclaré sa créance ; que cette créance ayant été contestée, le juge-commissaire a, par une ordonnance du 24 juin 2014, constaté que la contestation ne relevait pas de sa compétence ; qu'invoquant la cessation des paiements de la société Amarante, les sociétés Natixis Lease immo et Fortis Lease, créancières, ont assigné celle-ci en résolution du plan et ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ; que la société Aareal Bank est intervenue volontairement à l'instance, en demandant également la résolution du plan et l'ouverture de la liquidation judiciaire ;
 
Le créancier qui demande la résolution du plan de sauvegarde de son débiteur pour cessation des paiements doit, à peine d'irrecevabilité de sa demande, justifier d'une créance certaine, liquide et exigible, dès lors que la cessation des paiements conduit à la résolution du plan et à l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire du débiteur ; que l'arrêt, qui statue en ce sens, n'encourt pas la censure ; que le moyen n'est pas fondé ».
Cass. com., 26 févr. 2020, n° 18-18.680, P+B *
 
Liquidation judiciaire – dessaisissement du débiteur – capacité
« Selon l’arrêt attaqué (Caen, 23 janvier 2018), que, par un jugement du 13 octobre 2006, M. X a été mis en redressement judiciaire ; qu’un jugement du 14 décembre 2007 a arrêté un plan de redressement ; que par un acte authentique du 8 février 2012, M. Y a cédé à M. X un ensemble immobilier incluant une maison d’habitation et des dépendances, en s’en réservant l’usufruit sa vie durant, pour un prix payé sous la forme d'une rente viagère payable mensuellement ; que M. Y a été placé sous curatelle renforcée par un jugement du 28 avril 2014, l’association ATMP étant désignée en qualité de curateur ; que M. X ayant cessé de payer la rente à compter du mois d’août 2014, M. Y et son curateur l’ont assigné afin de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire stipulée à l’acte de vente, ordonner la remise en état des lieux et condamner M. X à des dommages-intérêts ; qu’un jugement du 27 juin 2016 a accueilli ces demandes ; qu’un jugement du 8 juillet 2016 a prononcé la résolution du plan de redressement de M. X et ouvert une liquidation judiciaire à son égard, Mme Z étant désignée en qualité de liquidateur ; que cette dernière a relevé appel du jugement du 27 juin 2016 ; qu’une ordonnance du 7 février 2017 a suspendu l'exécution provisoire attachée au jugement du 8 juillet 2016 et un arrêt du 27 avril 2017, infirmant ce jugement, a dit n'y avoir lieu à l’ouverture d'une liquidation judiciaire à l'égard de M. X ;
 
Le dessaisissement du débiteur par l'effet de sa mise en liquidation judiciaire, qui ne porte que sur ses droits patrimoniaux, et auquel échappent ses droits propres, n'emporte pas changement de capacité au sens de l'article 370 du Code de procédure civile, de sorte que l’infirmation d’un jugement ayant mis une partie en liquidation judiciaire n’emporte pas recouvrement, par cette partie, de sa capacité et ne constitue donc pas une cause d’interruption d’instance au sens du texte précité ; que le moyen, qui postule le contraire, n’est pas fondé ».
Cass. com., 26 févr. 2020, n° 18-18.283, P+B *
 
Plan de sauvegarde – contestation – élément de fond
Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2018), la société CGG, société faîtière du groupe international CGG, a bénéficié, le 27 février 2017, d'une procédure de mandat ad hoc dans le cadre de laquelle elle a engagé des discussions avec ses principaux créanciers et actionnaires répartis en quatre groupes, dont celui des créanciers titulaires d'obligations à haut rendement dites obligations « High Yield » et celui des créanciers titulaires d'obligations convertibles en actions nouvelles ou existantes dites obligations Oceane.
Par un jugement du 14 juin 2017, la société CGG a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, la société MJA, en la personne de Mme X, étant désignée mandataire judiciaire et la société FHB, en la personne de Mme Y, administrateur. Quatorze procédures américaines dites de « Chapter 11 » ont été ouvertes aux Etats-Unis afin de mettre sous protection l'ensemble des actifs du groupe CGG.
Le 28 juillet 2017, le comité des établissements de crédits et assimilés et l'assemblée unique des obligataires (l'AUO) ont adopté respectivement à l'unanimité et à une majorité de 93,5 % le projet de plan de sauvegarde préparé par la société CGG et prévoyant notamment la conversion d'une grande partie de la dette obligataire en capital à un taux de conversion de 3,12 euros par action pour les obligations « High Yield » et de 10,26 euros pour les obligations Oceane et la possibilité pour les obligataires « High Yield » de souscrire à des émissions de titres.
Par une déclaration du 4 août 2017, les sociétés Keren Finance, Delta Alternative Management (la société Delta), Schelcher Prince Gestion (la société Schelcher), La Financière de l'Europe, Ellipsis Asset Management et HMG Finance, porteurs de 23 % des obligations Oceane, qui estimaient que le plan ne traitait pas équitablement les porteurs de dette « High Yield » et les détenteurs d'obligations Oceane, ont demandé au tribunal de rejeter le plan de sauvegarde de la société CGG comme étant contraire aux dispositions de l'article L. 626-32 du Code de commerce.
 
Selon l'article L. 626-34-1 du Code de commerce, le tribunal statue dans un même jugement sur les contestations relatives à l'application des articles L. 626-30 à L. 626-32 et sur l'arrêté ou la modification du plan, et les créanciers ne peuvent former une contestation que contre la décision du comité ou de l'assemblée dont ils sont membres. Il en résulte qu'un créancier titulaire d'obligations, membre de l'AUO, ne peut contester que l'adoption du projet de plan par cette assemblée et seulement lorsque les dispositions relatives à la constitution de cette assemblée, sa convocation, et les conditions de sa délibération telles que prévues par l'article L. 626-32 ne lui semblent pas avoir été correctement appliquées.
Ayant relevé que les sociétés Delta, La Financière de l'Europe, Schelcher et HMG Finance ne contestaient ni la régularité de la tenue de l'AUO ou sa composition ni la régularité des votes mais contestaient la délibération de cette assemblée sur la modalité du plan de sauvegarde relative au traitement des porteurs d'obligations Oceane, qui serait, selon elles, différent de celui des porteurs d'obligations « High Yield » sans que cela soit justifié, la cour d'appel a exactement retenu que, ce faisant, ces sociétés faisaient indirectement appel du plan de sauvegarde lui-même et non de la délibération de l'AUO, en contestant un élément de fond du plan portant sur le remboursement des obligations selon leur nature, ce que les textes précités ne leur permettaient pas ».
Cass. com., 26 févr. 2020, n° 18-19.737, P+B *
 
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 2 avril 2020.
Source : Actualités du droit