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La semaine du droit des entreprises en difficulté

Affaires - Commercial
18/11/2019
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit des entreprises en difficulté, la semaine du 12 novembre 2019.
Liquidation judiciaire – offre d’acquisition du droit au bail commercial – acte de cession
« Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 12 avril 2018), la société Natural Corner a été mise en liquidation judiciaire le 25 janvier 2017, M. X étant désigné liquidateur ; que le 23 février 2017, Mme Y a présenté une offre d'acquisition du droit au bail commercial dont la société était titulaire ; que par une ordonnance du 20 mars 2017, le juge-commissaire a autorisé la cession de gré à gré de ce droit au bail à Mme Y ou toute autre personne morale ou physique qu'elle se substituerait et dont elle resterait garante, moyennant le prix de 22 000 euros ; que, prétendant que les conditions suspensives contenues dans son offre n'avaient pas été reprises par le juge-commissaire qui avait, au contraire, ajouté une faculté de substitution au profit d'une personne physique et la garantie du substitué par le substituant, et qu'elles ne s'étaient pas réalisées de sorte que la vente n'était pas parfaite, Mme Y a fait appel de l'ordonnance ;
 
En premier lieu, ayant constaté, sans dénaturation, que l'offre de Mme Y n'avait pas soumis la clause de substitution au profit d'une société en cours de création à la condition que l'éventuelle substitution s'opérerait sans garantie de l'acquéreur substitué, l'arrêt en déduit exactement, en se bornant à faire référence à l'article 1216-1 du Code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 sans en faire application, que le juge-commissaire devait retenir, dans ces circonstances, que, l'acceptation de la faculté de substitution ne déchargeant jamais, à elle seule, le débiteur originaire de sa dette, Mme Y resterait tenue, aux termes de son offre, du paiement du prix de cession ;
Et, en second lieu, ayant relevé que le liquidateur avait accepté la faculté de substitution sans décharger Mme Y, qui ne le demandait pas, de sa dette, la cour d'appel en a exactement déduit qu'aucune charge supplémentaire n'avait été imposée à Mme Y ;
 
Et d'une part, c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes de l'offre rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que Mme Y n'avait pas assorti son offre d'une clause imposant au liquidateur ou au juge-commissaire de recueillir l'agrément des bailleurs avant la cession, mais avait simplement fait connaître qu'elle exigeait l'intervention des bailleurs à l'acte, ce qui ne pouvait s'entendre d'une intervention de ces derniers devant le juge-commissaire qui n'a pas dressé d'acte mais uniquement d'une intervention de leur part à l'acte notarié constatant la cession devant être établi après qu'ait été donnée l'autorisation de céder le droit au bail ;
D’autre part, ayant soutenu, dans ses conclusions devant la cour d'appel, qu'il était nécessaire qu'un acte de cession soit dressé postérieurement à l'ordonnance du juge-commissaire eu égard aux conditions suspensives qui assortissaient son offre, Mme Y n'est pas recevable à présenter devant la Cour de cassation un moyen contraire à ses propres écritures ».
Cass. com., 14 nov. 2019, n° 18-18.833, P+B*

Liquidation judiciaire – cession de gré à gré – rétractation du consentement
« Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 27 février 2018), que la SCI X a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 6 juin et 18 juillet 2012, Mme Y étant désignée en qualité de liquidateur ; que le liquidateur a formé une demande d’autorisation de vendre aux enchères publiques l’immeuble appartenant à la SCI ; qu’en cours d’instance, la gérante de la société Les Genêts a adressé au liquidateur une proposition d'achat ; que, par une ordonnance du 19 novembre 2014, le juge-commissaire a dit n’y avoir lieu d’ordonner la vente par voie de saisie immobilière et a autorisé la cession amiable au prix proposé au profit de la société Les Genêts ou de toute personne morale la substituant ; que, revenant sur sa proposition, la société Les Genêts a formé appel de l’ordonnance ;
 
Mais l’ordonnance qui, dans le cadre de la réalisation des actifs d’une liquidation judiciaire, autorise la cession de gré à gré d’un bien conformément aux conditions et modalités d’une offre déterminée rend impossible la rétractation de son consentement par l’auteur de l’offre ; que par ce motif de pur droit suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée en son dispositif ; que le moyen ne peut donc être accueilli ».
Cass. com., 14 nov. 2019, n° 18-15.871, P+B*
 
Plan de sauvegarde – tierce-opposition – irrégularité – délai de réponse
« Selon l’arrêt attaqué, la société GDKS, mise en sauvegarde le 27 janvier 2016, a proposé un plan de sauvegarde prévoyant l’apurement de son passif par un paiement de 35 % des créances en principal le 1 er septembre 2017 (option A) ou un paiement de 100 % des créances en 10 annuités (option B) ; que la société Le Crédit lyonnais (la banque), consultée sur ces propositions de règlement par une lettre reçue le 20 décembre 2016, a répondu au mandataire judiciaire le 23 janvier 2017, en précisant opter pour l'option B ; que considérant que cette réponse était tardive, de sorte qu’était acquis l’accord de la banque pour un paiement de sa créance selon l’option A, le mandataire judiciaire a présenté le plan de sauvegarde au tribunal en précisant que la créance serait remboursée suivant cette option ; que cette modalité d’apurement a été reprise par le plan de sauvegarde adopté par un jugement du 1er mars 2017, auquel la banque a formé tierce-opposition en invoquant l’irrégularité de la lettre de consultation, au motif qu’elle n’était pas accompagnée d’un état de la situation passive et active de la société débitrice, comme l’exige l’article R. 627-6 du Code de commerce ;
 
Pour rejeter cette tierce-opposition, l’arrêt retient que si une notification irrégulière ou incomplète peut avoir pour effet de ne pas faire courir le délai de 30 jours, c'est à la condition que l'irrégularité ou l'incomplétude portent sur des éléments déterminants qui auraient empêché le créancier de pouvoir valablement opter dans le délai requis, et que tel n’est pas le cas en l’espèce ;
En statuant ainsi, alors que la notification au créancier d’une lettre de consultation à laquelle n’est pas joint l’un des documents exigés par l’article R. 626-7, II du Code de commerce, ne fait pas courir le délai de réponse prévu par l’article L. 626-5, alinéa 2, du même Code, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Cass. com., 14 nov. 2019, n° 18-20.408, P+B+I*
 
Procédure collective – projet de distribution du prix de vente – caducité
« Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 février 2017), que sur les poursuites engagées par la société Caisse d’épargne et de prévoyance Provence-Alpes-Corse, devenue la Caisse d’épargne CEPAC (la banque), contre la SCI Printemps, un jugement du 13 octobre 2011, publié le 31 juillet 2012, a adjugé le bien immobilier saisi à M. X qui en a consigné le prix les 30 novembre 2011 et 3 février 2012 entre les mains du bâtonnier de l’ordre des avocats, désigné en qualité de séquestre ; que l’avocat de la banque a établi le 31 janvier 2014 le projet de distribution amiable du prix d’adjudication ; que par un jugement du 11 février 2014, la SCI Printemps a été mise en redressement judiciaire et M. Y désigné en qualité de mandataire judiciaire, la procédure étant ultérieurement convertie en liquidation judiciaire ; que le 14 mars 2014, la banque a notifié au mandataire judiciaire, ès qualités, le projet de distribution amiable du prix d’adjudication ; que par une ordonnance du 18 juin 2014, notifiée le 23 juin 2014 à M. Y, ès qualités, le juge de l’exécution a, en application de l’article R. 332-6, alinéa 2, du Code des procédures civiles d’exécution, homologué le projet de distribution et lui a conféré force exécutoire ; que les 21 et 27 août 2015, M. Y, ès qualités, a assigné la banque, le bâtonnier de l’ordre des avocats, M. X et le syndicat des copropriétaires du 57 rue d’Aubagne à Marseille devant le juge de l’exécution pour voir déclarer caduque, depuis le 11 février 2014, la procédure de distribution du prix de vente du bien immobilier et voir ordonner au bâtonnier de lui remettre la totalité du prix d’adjudication séquestré entre ses mains ; que le juge de l’exécution a déclaré irrecevables les demandes de M. Y, ès qualités ;
 
Mais, d’une part, l’autorité de la chose jugée attachée à l’ordonnance du juge de l’exécution homologuant le projet de distribution du prix de vente, même devenue irrévocable en l’absence de recours exercé par le mandataire judiciaire, ne fait pas obstacle à l’exercice, par ce dernier, d’une action dont l’objet et la cause sont distincts comme tendant, non à critiquer l’ordonnance d’homologation, mais à voir constater, aux conditions des articles L. 622-21 II et R. 622-19 du Code de commerce, la caducité de la procédure de distribution ; qu’il en résulte que la cour d’appel a rejeté à bon droit la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée attachée à l’ordonnance du 18 juin 2014;
Et d’autre part, il résulte des dispositions combinées de l’article L. 622-21 II du Code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 décembre 2008, et de l’article R. 621-19 du même Code qu’une procédure de distribution du prix de vente d’un immeuble vendu par adjudication n’ayant pas produit un effet attributif à l’égard des créanciers avant le jugement d’ouverture de la procédure collective du débiteur saisi est caduque ; que l’arrêt retient exactement qu’aux termes mêmes des articles L. 334-1 et R. 334-3 du Code des procédures civiles d’exécution, c’est à l’égard du seul débiteur que la consignation du prix d’adjudication par l’acquéreur produit les effets d’un paiement si la distribution du prix n’est pas intervenue dans les six mois, de sorte que les créanciers inscrits ne peuvent se prévaloir de ces dispositions pour soutenir qu’un effet attributif de la procédure de distribution a eu lieu à leur profit avant l’ouverture de la procédure collective ; qu’en conséquence, dès lors qu’elle a constaté que le prix de vente n’avait pas été réparti entre les créanciers avant l’ouverture du redressement judiciaire, la cour d’appel a décidé à bon droit que la procédure de distribution était caduque et que les fonds séquestrés devaient être remis au mandataire judiciaire pour être répartis conformément aux règles de la procédure collective ».
Cass. com., 17 avril 2019, n° 17-15.960, P+B * - Cet arrêt est rectifié par un arrêt n° 923 rendu le 14 novembre 2019
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 18 décembre 2019.
 
Source : Actualités du droit