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Mesure d’instruction avant une action au fond : nouvelle condition pour espérer une suspension de la prescription

Civil - Contrat
25/10/2019
Pour qu’il y ait suspension de la prescription d’une action en annulation d’un contrat précédée d’une expertise judiciaire, il convient que les deux actions tendent à un seul et même but.
Le 6 décembre 2006, Monsieur C. conclut un contrat de construction d'une maison avec la société L. Il constate de nombreuses malfaçons avant réception, et fait désigner un expert en référé. L’expert judiciaire dépose son rapport le 15 décembre 2011. Monsieur C. assigne la société L. le 14 août 2012 en annulation du contrat, subsidiairement en résolution ou en réparation des désordres, invoquant la suspension de la prescription.
 
Dans ce litige, la question était de savoir si l’action en annulation était prescrite ou non ». Le contrat ayant été signé le 6 décembre 2006, le délai d’action expirait le 6 décembre 2011. Pour échapper à cette prescription, le demandeur avait invoqué l’article 2239 du Code civil selon lequel : « La prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée ».
 
La cour d’appel répond négativement et prononce la nullité du contrat ; elle condamne la société L. à démolir la maison à ses frais et à restituer à Monsieur C. la somme qu’il lui avait versée en vertu du contrat annulé. Elle a considéré que l’expertise judiciaire avait suspendu la prescription de l’action en annulation du contrat ; elle retient qu’« il ne saurait être ajouté une condition à la suspension du délai de prescription, prévue par l'article 2239 du Code civil ; et que l'expertise sollicitée en référé était utile à l'appréciation de la demande en nullité du contrat, les conséquences de la nullité étant appréciées au regard de la gravité des désordres et non-conformités affectant la construction ».  Compte tenu de la procédure de désignation d’un expert, le délai de prescription était suspendu entre ces deux dates ; selon les juges du fond, le délai expirait le 17 décembre 2013.
 
Au visa de l’article 2239 du Code civil, l’arrêt est cassé. Selon la Haute juridiction, la demande d'expertise en référé sur les causes et conséquences des désordres et malfaçons ne tendait pas au même but que la demande d'annulation du contrat de construction. Par conséquent, la mesure d’expertise ordonnée n'avait pas suspendu la prescription de l'action en annulation du contrat. La cour d'appel a violé le texte précité.
 
Remarque : La Cour de cassation fait ici encore une lecture stricte de l’article 2239 du Code civil en posant désormais la condition du but des actions engagées. L’intérêt de cet article se réduit comme peau de chagrin … (v. not. à propos de l’inapplication de ce texte au délai de forclusion : Cass. 3e civ., 3 juin 2015, n° 14-15.796, Bull. civ. III, n° 55 ; concernant son inapplication aux défendeurs : Cass. 2civ., 31 janv. 2019, n° 18-10.011, à paraître au Bulletin).
 
POUR EN SAVOIR PLUS, v. Le Lamy Droit du contrat, n° 2089, Le Lamy Assurances, n° 3278.
Source : Actualités du droit