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Recevabilité d’une QPC sur les « myriamètres de distance » prévus par l'article 54 de la loi de 1881

Affaires - Immatériel
29/05/2019
Le Conseil constitutionnel considère par une décision du 24 mai 2019  que les mots « outre un jour par cinq myriamètres de distance » figurant au premier alinéa de l'article 54 de la loi du 29 juillet 1881, méconnaissent le principe d'égalité devant la justice et doivent être déclarés contraires à la Constitution.
Le Conseil a été saisi, 6 mars 2019, par la Cour de cassation d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 54 de la loi du 29 juillet 1881.
Il prévoit que « le délai entre la citation et la comparution sera de vingt jours outre un jour par cinq myriamètres de distance. Toutefois, en cas de diffamation ou d'injure pendant la période électorale contre un candidat à une fonction électorale, ce délai sera réduit à vingt-quatre heures, outre le délai de distance, et les dispositions des articles 55 et 56 ne seront pas applicables ». 

La requérante soutient, tout d'abord, que ces dispositions seraient contraires au droit à un recours juridictionnel effectif de la victime d'une infraction de presse dès lors que, en raison du délai de distance d'un jour par cinq myriamètres qui doit être respecté entre la citation et la comparution, elles pourraient conduire, en fonction du lieu de résidence de la personne citée à comparaître, à retarder excessivement la date de comparution. 
Elle soutient, ensuite, que ces dispositions méconnaîtraient le principe d'égalité devant la justice au motif qu'elles introduiraient une distinction injustifiée entre les victimes d'infractions de presse selon le lieu de résidence de la personne poursuivie. 
Elle soutient, enfin, que ces dispositions méconnaîtraient le droit à la protection de la réputation qui découlerait du droit au respect de la vie privée. 
La QPC porte par conséquent sur les mots « outre un jour par cinq myriamètres de distance » figurant au premier alinéa de l'article 54.

Pour la déclarer recevable, il rappelle qu' « en vertu des articles 48 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, la poursuite des délits et contraventions commis par voie de presse peut être exercée par la partie lésée au moyen d'une citation directe. Dans ce cas, l'article 54 précité prévoit que le délai entre la délivrance de la citation et la comparution devant la juridiction de jugement doit être de vingt jours, augmenté d'un délai de distance. Les dispositions contestées prévoient que ce délai de distance est d'un jour par cinq myriamètres de distance, soit un jour par cinquante kilomètres, entre le lieu de résidence de la personne poursuivie et celui du tribunal devant lequel elle est citée à comparaître ». 
Il en résulte qu’ « en instaurant un délai de distance, en plus de celui de vingt jours fixé pour la préparation de la défense, le législateur a entendu garantir à la partie poursuivie un temps nécessaire à son déplacement vers le lieu où elle est citée à comparaître ». 

Les juges du Palais Royal  considèrent que « la prise en compte, par l'instauration d'un délai spécifique, de la distance séparant le lieu de résidence de la personne poursuivie du lieu où elle est citée à comparaître n'est, par elle-même, pas contraire au principe d'égalité devant la justice. Toutefois, en raison de l'étendue du territoire de la République, les modalités de détermination de ce délai définies par les dispositions contestées sont susceptibles de conduire à des délais de distance très différents. Compte tenu des moyens actuels de transport, ces différences dépassent manifestement ce qui serait nécessaire pour prendre en compte les contraintes de déplacement, et ce quelle que soit la distance séparant le lieu de résidence du prévenu de celui de sa comparution »
Et d’en conclure que les dispositions contestées procèdent à une distinction injustifiée entre les justiciables. 

Ils considèrent dans le même temps que « l'abrogation immédiate des dispositions contestées aurait pour effet de supprimer tout délai de distance pour les citations directes délivrées en application de la loi du 29 juillet 1881. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives ». Aussi, « afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il y a lieu de reporter au 31 mars 2020 la date de l'abrogation des dispositions contestées ». 
Dans ces conditions, « les citations délivrées en application de la loi du 29 juillet 1881 après cette date sont soumises aux délais de distance déterminés aux deux derniers alinéas de l'article 552 du code de procédure pénale. La déclaration d'inconstitutionnalité ne peut être invoquée dans les instances engagées par une citation délivrée avant la publication de la présente décision »
Source : Actualités du droit