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Devoir d’information de l’avocat : petit rappel de la Cour de cassation à propos de la vente d’un bien immobilier

Civil - Contrat
13/10/2021
L’avocat ne peut consentir à la vente d’un bien immobilier pour le compte de son client sans recueillir auprès de lui tous éléments de nature à lui permettre d’assurer au mieux la défense de ses intérêts et sans lui soumettre l’opération envisagée.
Un litige s’élève entre le constructeur d’une maison individuelle et le maître de l’ouvrage en raison d’un retard de livraison et d’impayés. Le contrat de construction comportait une clause selon laquelle le constructeur demeurait propriétaire de l’ouvrage qu’il avait exécuté jusqu’à l’entier paiement de la créance née du marché. Au cours de l’instance, le bien immobilier est vendu, après que la SCP d’avocats représentant le constructeur adresse un courrier au notaire chargé de la vente par le maître de l’ouvrage, précisant que son client ne s'opposait pas à la vente de l'immeuble au prix indiqué mais ne donnerait mainlevée des inscriptions hypothécaires que contre paiement de ses créances.
 
A l’issue de la procédure l’opposant au maître de l’ouvrage, le constructeur agit en responsabilité et indemnisation contre la SCP d’avocats et le notaire, leur reprochant diverses fautes. Son action est rejetée : la SCP d’avocats n’avait commis aucune faute engageant sa responsabilité civile. Si elle n’a pas consulté le constructeur avant de répondre au notaire chargé de vendre le bien immobilier pour le compte du maître de l’ouvrage, elle ne pouvait que lui écrire qu’il ne s’opposait pas à cette transaction au prix indiqué par le notaire, puisque l’hypothèque dont il était titulaire ne lui conférait qu’un droit de suite et de préférence. Le constructeur intente un pourvoi en cassation.
 
Le constructeur invoque l’argument selon lequel l’avocat se doit en toutes circonstances d’informer son client du projet de vente en cours, se renseigner sur ses intérêts et solliciter son accord avant de consentir à la vente d’un bien à laquelle ce dernier est intéressé en qualité de créancier du propriétaire dudit bien.  Il lui reproche d’avoir consenti à la vente sans même l’avoir informé de cette initiative et de l’avoir ainsi privé de la possibilité de faire jouer la clause de réserve de propriété stipulée à son profit dans le contrat de construction. Selon lui, la cour d’appel a violé les articles 1988 et 1147 (devenu 1231-1) du Code civil.
 
Au visa de l’article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l’arrêt est cassé en ce qu’il a rejeté la demande du constructeur contre la SCP d’avocats : « En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter l’existence d’une faute de la SCP, qui devait informer sa cliente, bénéficiaire d’une sûreté, du projet de vente de l’immeuble en cours, recueillir auprès d’elle tous éléments de nature à lui permettre d’assurer au mieux la défense de ses intérêts et lui soumettre la réponse envisagée pour son compte, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Le notaire est mis hors de cause.
 
Pour aller plus loin, voir Le Lamy Droit du contrat, nos 568 et s. et Le Lamy Droit de la responsabilité, n° 230-41.
Source : Actualités du droit